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Portrait d'entrepreneurs - Jeremie Veg, Co-fondateur Sopht

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L’IT est présent dans l’ensemble des structures, secteurs d’activités et peut aujourd’hui à elle seule représenter jusqu’à 30% des émissions carbones de certaines entreprises ! Sopht permet à ces entreprises de mesurer puis piloter de manière la plus optimale possible leur trajectoire de décarbonation.
Ils sont le cœur de la fondation, celles et ceux qui nous font partager leurs plus belles aventures et leurs challenges les plus difficiles, dont nous adorons suivre l’évolution, comprendre le produit, analyser le marché… Focus sur nos lauréats à travers une série de portraits.❤
Sopht est une plateforme qui permet aux organisations IT de piloter de manière dynamique leur empreinte environnementale et d’automatiser leur trajectoire de décarbonation. Rencontre aujourd'hui avec Jérémie Veg, CEO de Sopht. Dans cet article, on revient sur l’histoire du fondateur, les grandes étapes de la startup, ses perspectives futures ainsi que les nombreux enjeux autour de la décarbonation de l’IT au sein des entreprises.

Est-ce que tu peux te présenter ? Quel a été le déclic qui t’a poussé à entreprendre ?

Je m’appelle Jérémie Veg et j’ai 36 ans et fier père de 3 enfants. Je suis originaire de la capitale, Paris, mais ma vie a pris racine à Lyon, où je suis aujourd’hui installé. Mon parcours académique m'a conduit à l'ESDES, une école de commerce, où j'ai choisi de me spécialiser dans le domaine entrepreneurial.

Toutefois, l'expérience professionnelle qui s'est avérée être le chaînon manquant en vue de la création de Sopht est celle que j'ai acquise lors de mes débuts chez Veolia, en qualité de Country Risk Manager. Cette expérience s'est révélée particulièrement pertinente en termes d'aspiration à générer un impact positif sur l'environnement. Après une décennie bien remplie en tant qu'employé, je ressentais le besoin de devenir un acteur direct de la transition éco-numérique. C'est ainsi qu'à une date symbolique, le 24 décembre 2021, nous avons donné vie à Sopht, en tandem avec mon associé, Julien.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous associer avec Julien (COO) et Gautier (CTO) ? Considères-tu la bonne entente/convergence des intérêts entre associés comme l’une des clés du succès de Sopht ?

J'ai toujours su que tôt ou tard, je franchirais le pas de l'entrepreneuriat. Cependant, je considérais que cette aventure reposait sur l’équation “rencontre de la bonne personne avec le bon projet à porter”.

En ce qui concerne mes associés, j’ai pu d’abord rencontrer Julien qui travaillait avec moi au cours de ma dernière prise de poste au sein de l’entité Ventures de chez Capgemini. Le fit humain avec Julien était assez évident et ce dernier voulait quitter l’entreprise pour lancer un projet à impact : quand j’ai pu lui parler du projet Sopht le match s’est immédiatement fait et nous avons décidé de nous lancer tous les deux. Cependant, un obstacle d'importance est rapidement apparu : nous possédions une vaste expertise dans le domaine de la transformation digitale, ainsi qu'une solide connaissance des grands groupes, mais ni l'un ni l'autre ne maîtrisions le langage de la programmation... C’est relativement complexe quand tu veux vendre un SaaS : il nous fallait donc un CTO !

 

Nous nous sommes donc attelés à la recherche d’un CTO par plateformes de mise en relation - parmi lesquelles Cofondateurs.fr- et après quelques déboires avec certains profils, nous avons pu rencontrer Gautier avec qui le courant est immédiatement passé !

A nos débuts, nous entretenions une relation de freelance avec Gautier, même si nous l’avons toujours considéré comme un associé à part entière de Sopht car chacun d’entre nous trois pouvait émettre son avis et peser dans les décisions. Après quelques mois de travail, le fit était complet entre nous trois, de la vision produit, aux compétences techniques, en passant par notre aptitude à bâtir un projet d’ampleur.

La pierre angulaire de notre réussite réside indéniablement dans notre capacité à communiquer efficacement et à interagir de manière constructive, sans jamais chercher à établir de hiérarchie. En réalité, nos décisions sont toujours prises à trois voix et à l'unanimité. Au cours d'une collaboration qui s'étend sur plus d'un an et demi, l'harmonie règne en maître au sein de Sopht, avec des résultats qui parlent d'eux-mêmes !

D’où t’es venu l’idée de lancer une startup Greentech en t’attaquant spécifiquement au marché de la décarbonation de l’IT?

Mes quelques années chez EY et Capgemini à aider les organisations dans leurs transformations digitales m’ont évidemment marquée, mais ces expériences n'avaient jamais suscité en moi une réflexion approfondie sur l'impact véritable de ces transformations. Ce n’est finalement qu’à partir de 2019, lors de mon passage chez Capgemini Ventures, que j’ai commencé à m’intéresser à l’impact de ces transformations, et surtout aux statistiques actuelles et prévisionnelles de l’impact environnemental de l’IT. A horizon 2030 ce sont près de 10% des émissions de gaz à effet de serre qui seront émises par le secteur de l’IT, ce qui représente à titre comparatif le poids de l’industrie automobile en matière d’émissions carbone ! Face à ce constat, il m'est apparu tout naturel d'établir un lien entre ce défi majeur, mon intérêt croissant pour l'écologie, et ma rencontre avec Julien. C’était donc le bon moment pour sauter le pas !

Peux-tu nous présenter la solution proposée par Sopht et plus spécifiquement votre plateforme End2End GreenOps ?

Sopht est une plateforme qui permet aux organisations IT de piloter de manière dynamique leur empreinte environnementale et d’automatiser leur trajectoire de décarbonation. En effet, c’est en se calquant sur des observations faites aux débuts de Sopht, que nous avons constaté que de nombreuses entreprises procèdent à une mesure de leur empreinte carbone (du fait de contraintes réglementaires telles que la CSRD* ainsi que l’obligation de publications extra-financières) sans que de solutions viables sont finalement trouvées pour réduire de manière significative cette empreinte carbone.

Si je devais résumer de manière simple ce que nous proposons avec Sopht c’est “mesurer pour réduire” notre démarche consiste à rassembler une pléthore de données tangibles afin de les rendre exploitables, ce qui nous permet ensuite d'adopter des actions concrètes et efficaces dans le but de réduire l'impact environnemental.

*CSRD: Corporate Sustainability Reporting Directive

Quels sont les canaux d’acquisition clients d’une startup greentech B2B comme Sopht ?

Notre stratégie d’acquisition a tout d’abord commencé par une segmentation de marché à long terme. Nous ciblons en priorité les entreprises les plus engagées dans la décarbonation et dans lesquelles l’IT joue un rôle substantiel dans leur empreinte carbone globale. Aujourd'hui, nous mettons l’accent sur les entreprises du secteur tertiaire, notamment les banques, assurances, société de services, etc. Dans le secteur, l’IT peut représenter jusqu’à 30% de leur bilan carbone.

Notre stratégie d’acquisition clients passe également par la recherche de secteurs arrivés à maturité sur le sujet des émissions carbone, avec notamment des grands groupes et grosses ETI. Ce sont assez logiquement parmi les premiers à travailler sur des publications extra-financières et ils prennent petit à petit conscience des problèmes engendrés par l’empreinte carbone que représente leur IT à grande échelle.

Nous accédons aux grosses structures par l’intermédiaire d’un Go-to-Market permise par une démarche commerciale pro-active. Nous avons également une stratégie indirecte, grâce à des cabinets de conseil et ESN (Entreprises du Service Numérique) qui nous proposent une offre focus IT et qui accompagnent déjà des clients Grands Comptes sur des sujets green IT, mais aussi sur des aspects formations (fresque du climat, fresque numérique, etc.) et de gouvernance.

Comment traitez-vous la demande d’une décarbonation IT d’une ETI comparée à celle d’une GE ?

Nous adoptons une approche uniforme pour répondre aux demandes émanant tant des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) que des Grandes Entreprises. Notre méthode d'analyse débute en examinant l'écosystème technologique de chaque département des systèmes d'information (DSI). Il est d’ailleurs frappant de constater que les processus IT sont vraiment semblables entre les deux ! Cette observation demeure valable aussi bien dans le domaine du cloud (avec des plateformes comme AWS, Azure, etc.) que dans les infrastructures(VMware, Hyper-V, etc.)… Ce constat nous a permis de comprendre que les processus et les solutions sont fondamentalement identiques, peu importe la structure de l’entreprise. Seule l’échelle d’application diffère finalement. Cette réalité se reflète avec cohérence au sein de notre portefeuille client, qui présente un équilibre entre les grandes entreprises et les ETI.

Les cycles de ventes contrairement à des startups de d’autres secteurs sont relativement longs (4 à 6 mois pour une ETI et jusqu’à un an pour une GE), comment arrivez-vous à optimiser au mieux votre BFR ?

Cette démarche peut sembler simpliste, mais nous avons toujours refusé de faire des POC (Proof of Concept) gratuits pour un client grand compte tel qu’il soit. En effet, sans passer par des POC, nous pouvons automatiquement nous diriger vers la phase de pilotage avec nos clients, permettant d’aboutir à des contrats de plusieurs années de licence. [À titre d'exemple, nous avons mené un pilote avec la BNP durant 8 mois, avec une rémunération avoisinant les six chiffres et un contrat de plusieurs années à la clé.]

La méthode optimale pour rationaliser le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) et réduire les pertes, en particulier dans les premiers stades de la société, réside dans l'adoption d'une approche véritablement orientée service envers les entreprises. Cela implique de ne passe percevoir simplement comme un éditeur de logiciels à la recherche constante de revenus récurrents annuels (ARR). Une valeur substantielle doit toujours être attribuée à notre produit, même lors de la phase initiale. Enfin, l'appui apporté par nos investisseurs s'est avéré être d'une importance capitale pour notre développement.

L’IT représente aujourd’hui 3% à 4% des émissions totales de gaz à effet de serre (400 à 900 millions de tonnes de CO2), ce qui est finalement peu par rapport à sa fréquence/durée/échelle d’utilisation. Quelles stratégies mettez-vous donc en place pour sensibiliser davantage les ETI/GE vis à vis de cet impact climatique ? Est-ce que les entreprises sont déjà sensibles à la problématique adressée ou existe-t-il un vrai travail d’acculturation ?

Au sein des entreprises que nous ciblons, la recherche de maturité prévaut, particulièrement chez nos clients Grands Comptes. Une entreprise qui n'a pas encore pleinement saisi les enjeux liés à l'IT n'a pas encore atteint un niveau suffisant pour véritablement percevoir la valeur d'un logiciel autour de la trajectoire et du pilotage de la décarbonation de son numérique.

De ce fait, certains prérequis d’acculturation sont nécessaires afin de saisir l’ensemble du problème. On constate donc que ce sont majoritairement les structures de tailles inférieures, ne pouvant pas faire appel directement à des cabinets spécialisés et organismes de formation, qui ont encore du mal à saisir directement l’importance de décarboner leur IT.

Chez Sopht, nous ne proposons pas de formations ou de produits pour acculturer les entreprises autour des enjeux de la décarbonation IT. En revanche, nous sommes très actifs dans l’écosystème de la greentech, pour participer à des conférences et webinars afin de sensibiliser au maximum les entreprises autour de ces enjeux.

Comment visualises-tu la décarbonation de l’IT en 2050 ?

Nous avons la conviction avec mes associés Julien et Gautier que la durabilité (et donc l’IT) va se rapprocher de la RGPD (Règlement général sur la protection des données) dans la manière de piloter et obligera donc les entreprises à se plier à des normes contraignantes en matière de pilotage de l’IT, nécessitant l’usage de softwares facilitant ces process. Des pénalités pourront être appliquées en cas de non-respect des normes et mettront un frein, comme en témoigne les lois CSRD et REEN autour de l’obsolescence programmée dans le numérique. En effet, les pénalités ne sont pas encore assez dissuasives, notamment pour les grandes entreprises, mais une augmentation de ces dernières, accompagnée d’une obligation d’actions concrètes vis à vis de l’empreinte feront agir les entreprises.

On observerait donc à l’horizon 2050, une réglementation plus restrictive et pénalisante, qui incitera les entreprises à cesser les compensations chiffrées parfois à plusieurs millions d’euros pour contourner les normes ! La technologie seront donc mise au service de la limitation et du pilotage de leur propre impact. Mais un éveil des consciences est aussi nécessaire car la technologie ne solutionne pas l’ensemble des problèmes.

Le moment de l’aventure Sopht qui t’a le plus marqué ?

Il existe deux étapes cruciales de l'aventure Sopht que je souhaite mettre en avant.

Tout d'abord, il est incontournable de mentionner les prémices de Sopht, qui ont débuté par l'acquisition de deux ordinateurs reconditionnés pour Julien et moi après notre départ de Capgemini. Cela a été rapidement suivi par notre installation dans nos premiers “locaux”, généreusement prêtés par une startup, dès le 3 janvier 2022. Cette phase inaugurale de notre parcours nous a permis de saisir l'ampleur du projet que nous nous apprêtions à entreprendre, suscitant en nous un mélange d'appréhension et d'enthousiasme.

Le second moment décisif réside naturellement, comme pour toute startup, quelle que soit sa sphère d'activité, dans l'acquisition de notre premier client. Cette réalisation représente bien plus qu'une simple transaction commerciale. Elle témoigne d'une marque de confiance initiale, illustrée par la décision d'acquérir notre licence et la volonté de nous accorder leur confiance sur une période déterminée. Cela incarne le début concret de notre aventure et consolide notre conviction en la valeur de notre proposition.

Un obstacle que tu as rencontré en tant qu’entrepreneur qui t’a rendu plus fort aujourd'hui ?

Un défi majeur que j'ai personnellement affronté réside en fait dans une forme d'innocence que j'ai pu entretenir au début de mon parcours dans le secteur où évolue Sopht. En effet, l'écosystème de la greentech, bien que teinté d'une aura bienveillante, demeure un environnement concurrentiel à part entière. C'est un domaine qui, comme tout autre secteur, est marqué par une forte rivalité entre les acteurs. Il est donc essentiel de maîtriser attentivement ses prises de parole et ses interventions. Cela vise à éviter de se retrouver exposé à une forme de "chasse aux sorcières", qui peut s'accompagner d'attaques potentielles et fréquentes, notamment autour de questions telles que le greenwashing, une pratique souvent pointée du doigt dans le domaine de la durabilité. En somme, la prudence et l'authenticité demeurent des éléments clés pour naviguer dans ce paysage complexe.

Les choix stratégiques doivent être aussi murement réfléchis et cela passe notamment par le choix de bons investisseurs. Je pense qu’il faut aussi une vigilance de tous les instants dans ce que tu incarnes et ce que tu souhaites incarner avec ta boîte, en particulier dans le secteur greentech.

Quelles perspectives futures pour Sopht ? Une volonté d’internationalisation sur les mois/années à venir ?

Nous sommes déterminés à faire de Sopht un acteur d'envergure mondiale. Pour y parvenir, notre stratégie prévoit un déploiement à l'échelle internationale, en mettant l'accent sur l'établissement dans des pays qui ont déjà fait des progrès significatifs en matière de décarbonation. À partir de la fin de l'année 2024, nous avons prévu de nous implanter en priorité dans des pays considérés comme "matures" dans ce domaine, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni et le nord de l'Europe. Il est important de noter que nous évitons pour le moment de cibler des pays présentant un potentiel de marché important, comme les États-Unis, en raison du niveau d'acculturation encore trop limité et faible autour de la décarbonation de l’IT.

Notre vision consiste à élaborer une solution qui soit à terme une solution la plus indépendante et longue possible, sans céder à la pression de gros éditeurs de softwares désireux de racheter notre projet. Notre ambition à terme est donc de faire de Sopht une plateforme devenant la tour de contrôle d’une DSI d’une ETI ou GE.

Chez RAISE Sherpas, nous accompagnons au quotidien plus de 200 startups dans des secteurs très variés, en tant que CEO d’une greentech en plein essor, quels conseils actionnables donnerais-tu à d’autres CEO de la communauté RAISE Sherpas ?

Je crois qu'il est possible de synthétiser cette question en se basant sur deux piliers fondamentaux : la pérennité et la soutenabilité.

En me basant sur mon expérience en tant qu'entrepreneur dans le domaine de la greentech, mon conseil direct serait de se consacrer à une éducation plus approfondie concernant les enjeux de ce secteur. Cette démarche peut impliquer la participation à des formations fédératrices telles que la Fresque du Climat, la Fresque Numérique, conférences, ateliers, etc. L'objectif serait de sensibiliser les collaborateurs et de promouvoir un maximum de pratiques commerciales soutenables. En effet, de nombreuses startups opérant dans le domaine numérique émergent, mais elles accordent encore trop peu d'attention aux problématiques liées à l'empreinte environnementale générée par leur IT.

 

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